Depuis la pandémie de COVID-19, les employeurs ont dû rivaliser d’ingéniosité pour continuer à faire tourner leurs entreprises. Le processus d’embauche a aussi connu une révolution avec l’utilisation quotidienne des vidéoconférences comme outil de travail ainsi que de l’implantation du télétravail à temps plein ou temps partiel dans les milieux professionnels.
Le processus d’entrevue est souvent une étape fastidieuse et stressante pour la majorité des chercheurs d’emplois, mais il peut être encore plus anxiogène lorsqu’on vit avec des limitations physiques ou mentales. Personnellement, durant mon parcours professionnel, j’ai participé à des centaines d’entrevues de différents types : un entretien d’embauche traditionnel, un entretien d’embauche devant plusieurs représentants de l’entreprise, un entretien téléphonique… mais mon format d’entrevue préféré reste l’entretien d’embauche informel qui peut très bien se faire par vidéoconférence, où les informations se transmettent sous forme de conversation simple.
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Ce genre d’entretien me donne l’impression que les personnes qui sont devant moi s’intéresse vraiment à la personne que je suis, que je peux réellement démontrer ma personnalité plutôt que de me sentir analysée dans chacune de mes compétences, dans chacun de mes travers… que leur attention n’est pas nécessairement portée sur le fait que je me déplace avec une marchette (ou déambulateur pour les francophones hors Québec). Comprenez-moi bien, lorsque je me présente en entrevue, je suis majoritairement convaincue d’être compétente pour occuper le poste pour lequel je postule, mais je suis aussi consciente qu’il y a une compétition et que cette compétition est, la plupart du temps, sans handicap, ou du moins, sans handicap visible.
Dans le cadre de l’écriture de cet article, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Frédérique Cloutier-Fecteau, une trentenaire qui a appris que pour briller, tant personnellement que professionnellement, il fallait apprendre à assumer pleinement son handicap.
Native de la Beauce et atteinte de Spina Bifida, la jeune femme confie avoir été couvée par des parents surprotecteurs, mais qui malgré tout, la laissait explorer ses intérêts. Elle a commencé par étudier au Cégep en profil Langues, où elle apprenait l’anglais, l’espagnol et l’allemand, mais elle a fini par abandonner le projet, car c’était trop exigeant pour elle. Elle a par la suite poursuivit ses études en faisant un DEP en secrétariat afin de devenir adjointe administrative. Je me reconnais en elle lorsqu’elle explique ce fait intéressant de biologie humaine : « À cause de mon handicap, la région de mon cerveau qui contrôle tout ce qui est logique ou mathématique ne s’est pas développée ». Ce défaut, selon elle, explique le fait qu’elle ait eu certains défis d’apprentissage.
C’est plus tard, en vivant une épreuve qui l’a profondément bouleversée personnellement, que Frédérique en apprendra beaucoup sur elle-même et fera un bout de chemin sur l’acceptation de son handicap. En effet, à 16 semaines de grossesse, la jeune femme se voit obligée de prendre la décision de mettre fin à son rêve de devenir une maman pour prioriser sa propre santé. Cela l’amène par la suite à s’intéresser à la programmation neurolinguistique. « Grâce à la PNL, j’ai appris que ton handicap provient surtout de ta tête », affirme-t-elle. Selon elle, les limites que l’on se crée dans notre tête sont surtout ce qui nous empêche d’avancer dans la vie.
Depuis les six dernières années, elle travaille en tant que secrétaire-réceptionniste pour Mallar RSVP. Son évolution personnelle semble l’avoir menée à prendre des chemins différents, puisqu’elle est passée du statut d’employée de bureau à celui de travailleur autonome. « Avant, je travaillais pour la Fondation du Cœur de Beauce-Etchemin, c’était un travail 100 % en présentiel », explique-t-elle. Maintenant, Frédérique avoue préférer le télétravail pour des raisons pratiques.
« Avec le télétravail, tu as une certaine liberté de ton horaire. Par exemple, mon handicap vient avec beaucoup de rendez-vous médicaux. Avant, je devais souvent demander congé mais maintenant, je ne me sens pas coupable de prendre 30 minutes pour m’absenter et reprendre mes tâches ensuite, ou alors j’avertis d’avance et je prends ma journée entière », précise Mme Cloutier-Fecteau.
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Lorsque je lui demande ce qu’elle dirait aux employeurs qui souhaiteraient intégrée une personne handicapée à leur équipe, Frédérique insiste pour dire que c’est vraiment avantageux. « Moi, quand j’étais employée le gouvernement payait 50 % de mon salaire grâce au SEMO Chaudières –Appalaches. », affirme-t-elle.
Une subvention comme le contrat d’intégration au travail (CIT) a permis à Frédérique d’obtenir de l’aide technique afin d’obtenir des équipements adaptés à ses besoins, comme un bureau adapté pour personne en fauteuil roulant et la surélévation de son poste de travail. La jeune professionnelle conseille d’ailleurs à tous ceux et celles qui vivent avec un handicap de bien s’entourer de personnes provenant d’organismes tels que le SEMO.
Notre entretien se termine sur un rappel rempli de sens lorsqu’elle insiste sur l’importance de s’accepter comme on est (ou comme on naît, dans notre cas.) : « Lorsqu’on se présente devant son employeur pour une entrevue, il faut assumer son handicap, car si tu en expliques seulement une partie, tu risques de te retrouver désavantagée. »